Semiramide, La Signora regale

De Caldara à Rossini, l’évolution de la composition et du chant montre aussi bien une continuité du beau chant qu’une manière différente d’aborder la dramaturgie. Si les Reines de Caldara et Porpora, tout en brillance, ne surprennent pas l’habitué au répertoire napolitain, elles montrent déjà l’expressivité et l’aplomb avec lequel Anna Bonitatibus se joue des difficultés techniques.
La première surprise vient de la Sémiramide de Niccolò Jommelli (1741), plus intense dès le récitatif, composé sur le texte de Metastasio. Profondément tourmentée, la Reine de Babylone prend des accents gluckiens dans son désespoir. A y regarder de plus près, on se rend compte que ce n’est pas Gluck, encore très jeune, qui influence Jommelli, mais bien l’inverse. Quelques années après son retour d’Italie, en 1747, Gluck compose Le nozze d’Ercole e d’Ebe et nombreux y verront l’influence du napolitain ; un an plus tard, il composera sa propre Sémiramide. Et c’est bien là tout l’objet de ce double disque né d’un long travail de fond : montrer aussi bien les influences musicales successives que l’importance de certains compositeurs relativement méconnus aujourd’hui.
Ainsi, dans le second disque, l’attention est immédiatement retenue par la Sémiramide profondément dramatique de Sebastiano Nasolini. Compositeur particulièrement prolifique pendant sa courte période d’activité, de ses 20 ans (1788) à sa mort dont la date n’est pas connue avec exactitude (1798/99), ses œuvres, majoritairement créées à Venise, lui confèrent alors une grande renommée. La cabalette conclusive permet d’établir une filiation évidente avec Rossini, sans que la musicologie nous permette d’affirmer avec certitude qui a composé le premier ces lignes que l’on retrouve dans le Dunque io son du Barbiere, la partition ayant pu être reprise et amendée de manière posthume.
Dans cet extrait comme dans l’attendue Sémiramide de Rossini, Anna Bonitatibus déploie des trésors d’expressivité pour donner vie à la Reine. La version du Bel raggio présentée ici est la première composée par Rossini, sans cabalette conclusive, déjà concentrée sur le drame. Car c’est bien la vision qui nous est donnée ici, celle d’une Reine qui fascina les compositeurs pendant plusieurs siècles, d’abord glorieuse, puis de plus en plus tragique à l’époque du romantisme naissant.
Le pari de nous faire vivre un siècle de musique à travers Semiramide est réussi, notamment grâce à l’accompagnement millimétré de Federico Ferri, à la tête de l’Accademia degli Astrusi ; sans éblouir, l’ensemble ne fait qu’un avec la mezzo au sommet de ses moyens. in North America only occasionally, confirms her place among the great interpreters of this repertoire.